Pour cette nouvelle interview, j’ai eu le plaisir de poser quelques questions à Julia Pialat, auteur du bouquin « Ed Banger Records – Une histoire des musiques électroniques françaises » sorti aux Éditions Séguier il y a quelques semaines.
L’ouvrage (que je vous recommande chaudement), est un travail colossal sur le label de Pedro Winter fondé il y a 20 ans, mais pas que !
Quel a été le déclencheur du choix de ton sujet de recherche ?
Je suis née dans les années 1990. Le label Ed Banger, fondé en 2003, a été la bande-son de mon adolescence.
Je me souviens distinctement avoir découvert Waters of Nazareth de Justice et Pop The Glock de Feadz et Uffie sur MySpace en 2005, des morceaux que j’ai téléchargé fiévreusement afin de pouvoir les écouter en boucle sur mon MP3. J’avais douze ans et cette découverte a été un choc.
Comme toute une génération d’auditeurs, j’ai adhéré viscéralement à ce mouvement musical sans comprendre ni intellectualiser ce que j’entendais. Je me suis éprise de ces nouvelles sonorités accidentées, distorsionnées, rough, mêlant les musiques électroniques, le hip-hop et le rock, de manière instinctive. Et cela a été ma porte d’entrée vers tout un monde graphique et musical.
Bien des années plus tard, alors que je reprenais des études en sciences humaines à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), après un premier cursus à Sciences Po Paris et plusieurs expériences professionnelle en tant que cadre dans l’administration publique et dans la communication politique, je me suis prise de passion pour la sociologie de la musique, à une époque de foisonnement des travaux sur les musiques dites urbaines – le hip-hop et le rap. Ayant grandi avec Ed Banger et les musiques électroniques dans mes écouteurs, j’ai décidé de me consacrer à cette discipline en alliant deux passions : les sciences humaines et ce genre musical, pas assez étudié à mon goût, en tout cas quand il s’agissait de parler d’autre chose que de la répression policière des raves quelques années avant l’éclosion de la French Touch. Et ce, en vue de réaliser une thèse de doctorat sur le sujet.
Peux-tu nous parler de la méthodologie employée pour la réalisation de ton travail ?
Le livre Ed Banger Records. In Party We Trust. Une histoire des musiques électroniques françaises est le prolongement et l’aboutissement de mes recherches universitaires. Ce livre-somme, que j’aime à appeler « mon livre péplum » tant il m’évoque les films de Cecil B. DeMille par le foisonnement des personnages et des figurants, s’appuie sur la collecte et l’analyse de plus de 230 témoignages ainsi que la consultation d’archives de presse et d’archives privées souvent inédites, l’écoute de podcasts et d’émission de radio, et la lecture d’ouvrages de référence sur le sujet, des sources recueillies entre 2019 et 2023, d’abord dans le cadre d’un master de recherche puis dans le cadre d’une thèse universitaire réalisée auprès du CNRS et pour les besoins de l’écriture de ce livre.
L’histoire d’Ed Banger a été abondamment documentée par le passé. Pedro Winter s’exprime très régulièrement dans les médias. Le point de départ de cet ouvrage était de poser un regard un peu différent sur le récit dominant et de révéler aux amateurs du label des éléments peut-être moins balisés de son histoire que j’ai pris plaisir à découvrir au cours de mon enquête. Je pense notamment à la dernière partie du livre consacrée à la formidable percée des musiciens électroniques français en Amérique du Nord, un pan de l’historiographie de ce courant musical jamais documenté jusqu’à présent, et qu’il était essentiel de retracer à mes yeux. Avec en point de mire cette problématique : « Quelle a été l’influence des Français sur l’émergence de la scène EDM aux Etats-Unis ? » Cela m’a amenée à interroger Steve Aoki, considéré comme le fer de lance de ce courant, qui raconte très justement dans le livre l’influence qu’ont eu les Daft Punk et les artistes d’Ed Banger sur l’essor du mouvement EDM.
Le livre suit les questionnements que je me suis posés durant les trois ans ayant présidé à son écriture. En cela il est très personnel dans son approche. Il propose une manière subjective et qui m’est propre d’envisager l’histoire du label Ed Banger, tenant à mon parcours et notamment au regard politique que je pose sur les choses.
J’ai toujours eu la conviction que la musique était révélatrice des dynamiques à l’oeuvre dans le corps social. Et qu’il est possible de raconter une époque à travers ses productions artistiques et musicales. C’est le point de vue que j’ai voulu défendre à travers ce livre, comme le font de nombreux auteurs anglo-saxons à commencer par Jon Savage, Greil Marcus, ou encore Dan Sicko. A savoir de dépasser le cadre strict de la critique musicale pour se poser cette question : Comment cette musique a éclos à un moment donné dans une société donnée ?
A mes yeux, Ed Banger a constitué au cours de la première décennie des années 2000 un phénomène social, proche de ce que le sociologue britannique Dick Hebdige dépeint dans son ouvrage de référence Sous-culture.
« Ed Banger est un fait social, un phénomène de société », dira d’ailleurs Pierre-Antoine Grison, alias Krazy Baldhead, l’un des artistes du label, lors de notre interview. Ed Banger est le reflet d’une époque, un fragment du XXIe siècle, une sorte de « pierre de Rosette ». Autrement dit, une matrice et un catalyseur de nombreuses mutations technologiques, politiques et socio-culturelles, à l’oeuvre à l’époque. Et c’est à travers ce prisme que j’ai choisi d’aborder ce récit.
Comment as-tu fait pour contacter toutes les personnes qui ont témoigné ?
L’écriture de ce livre a été une véritable quête et une formidable aventure au plan personnel, qui m’a amenée à interroger plus de 200 acteurs de cette odyssée artistique, humaine et entrepreneuriale de New-York à Shangaï, en passant par Londres, Los Angeles, Paris ou encore Tokyo.
J’ai eu la chance de pouvoir interroger Pedro Winter à plusieurs reprises ainsi que tous les artistes du label, mais j’ai également cherché à élargir le spectre en interrogeant les collaborateurs et les compagnons de route d’Ed Banger, à savoir les agents, tourneurs, producteurs de spectacles, label managers, graphistes, réalisateurs, photographes, amis et témoins de cette époque, ayant contribué de près ou de loin à cette aventure.
Le livre comprend plusieurs témoignages inédits : celui de Thomas Bangalter, celui de son père le producteur Daniel Vangarde, qui livre pour la toute première fois un témoignage sur ses années de collaborations avec Pedro Winter. Mais aussi celui de Paul Hahn, le manager des Daft Punk, homme de l’ombre de ce qu’on appelle la cellule « Daft Music », qui a accepté pour la toute première fois et de façon parfaitement inédite de se livrer dans le cadre de ce récit sur son parcours, sa rencontre et sa collaboration avec Daft Punk dont il devient le manager à compter de 2007 à la suite de Pedro Winter et dont il va concevoir la scénographie de la tournée « Alive » sur laquelle il revient de façon très détaillée dans le livre. Paul Hahn aborde également dans ce livre sa collaboration avec Ed Banger, moins connue du grand public, qui l’a amené à produire la scénographie de la tournée Cross des Justice, et le set up qui s’appelle « Valentine » et qui sera présenté à Coachella en 2007 pour la première fois.
J’ai également eu la chance de recueillir le témoignage de nombreux contemporains d’Ed Banger parmi lesquels l’Américain Steve Aoki, le musicien Canadien Dave One de Chromeo ainsi que son frère A-Trak, le DJ et producteur britannique Erol Alkan, David Dewaele des 2 Many DJs, mais aussi Romain Gavras, Solo d’Assassin, Sarah Andelman de Colette, l’immense graffeur Mode 2 qui revient sur la conception de la pochette du picture disc des Daft Punk avec Slum Village, Scott Igoe, le producteur musical du Late night show de Jimmy Kimmel qui a reçu les Justice sur son plateau en 2007, Kathryn Frazier, la RP de Daft Punk et d’Ed Banger aux Etats-Unis et bien d’autres témoignages fabuleux… Enfin, pour donner de la profondeur à ce récit qui ne se restreint pas à l’histoire du label mais aborde l’histoire des musiques électroniques françaises de ces trente dernières années au sens large, j’ai interrogé de nombreux musiciens français prestigieux parmi lesquels David Guetta, Laurent Garnier, Etienne de Crécy, Arnaud Rebotini, Alex Gopher, DJ Falcon, DJ Gregory, Alex from Tokyo ou encore Dimitri from Paris….
Enfin, le livre comporte une trentaine de photographies prises par les principaux photographes de la nuit de l’époque parmi lesquels les Américains Mark Hunter « The Cobra Snake » et Glen Han qui ont documenté la nuit du début des années 2000 à Los Angeles, Marco Dos Santos du Paris-Paris, le photographe du Social Club Romain Bourven mais aussi Cédric Bertrand le compagnon de route des Cassius qui a livré une splendide photo de Philippe Zdar et bien d’autres…
Ce que j’aime dans ce livre c’est que finalement il est à l’image du label : le fruit d’une aventure collective. Ed Banger se caractérise par la multiplicité de ses protagonistes. C’est une histoire que l’on pourrait qualifier de plurielle et le récit que j’en dresse est à son image, un récit choral.
Pendant plus de deux ans, j’ai cumulé des milliers d’heures d’interviews qu’il a fallu retranscrire, analyser, et intégrer à la trame narrative d’un récit conçu et pensé comme un véritable « page-turner », comme disent les Anglo-saxons au sujet de ces livres qui ont du rythme et qui sont capables de tenir leur lecteur en haleine. Ce qui a amené Alexis Bernier dans Libération à qualifier ce style d’écriture de « à l’américaine ».
C’était essentiel pour moi que ce texte qui porte sur la démocratisation des musiques électroniques soit accessible au plus grand nombre et qu’il soit facile à lire, contrairement aux livres sur la musique que je trouve souvent trop jargonnants et un peu excluants parce qu’ils pratiquent le name dropping, et multiplient des références obscures à destination d’un public d’initiés.
En faisant le choix d’écrire tout le texte au présent, en soignant la construction narrative et en adoptant un format proche du « feuilleton » à l’image des ouvrages Les fous du son de Laurent de Wilde et Regarde ta jeunesse dans les yeux de Vincent Piolet, j’ai voulu oeuvrer délibérément à l’accessibilité et à l’intelligibilité de ce courant.
D’emblée, j’ai pensé ce texte comme un outil de vulgarisation à destination du plus grand nombre, afin de faire en sorte que ces cultures ayant longtemps été stigmatisées et exclues des canons dominants puissent être mieux comprises et que leur portée historique soit mieux appréhendée. Aussi, ce livre s’inscrit dans la continuité de ce qu’il dépeint, à savoir un effort conscient pour rendre cette culture compréhensible de tous. Même ceux qui de prime abord sont étrangers à cette culture.
Quelle a été la réaction de Pedro Winter quand tu l’as contacté pour lui parler du livre ?
Dès le départ, Pedro Winter a été associé à ce projet. même si l’écriture de ce livre s’est faite en toute indépendance. Son soutien et sa confiance ont été essentiels à la bonne réalisation de ce livre. En témoignage de son soutien, Pedro Winter en a même pensé et conçu la couverture avec le concours du directeur artistique historique d’Ed Banger, So Me. C’est Pedro qui a tenu à ce que la tranche du livre représente un clavier de piano. Les fans du label auront reconnu la tranche mythique qui figure sur tous les vinyles sortis par le label et qui lui permet de se singulariser dans les travées des magasins de disques. J’ai été immensément touchée par ce geste délicat, cette petite attention, qui confère à ce livre le statut d’un opus supplémentaire du répertoire Ed Banger.
Après la parution de Ed Banger. In Party We Trust, Pedro Winter a écrit sur Instagram qu’il était à la fois « touché et halluciné » qu’Ed Banger puisse inspirer un tel travail de recherche. Moi j’ai plutôt tendance à me demander pourquoi un livre sur Ed Banger n’a pas été écrit plus tôt ! Il aura fallu près de vingt ans pour que son apport socio-culturel soit enfin mis en évidence.
Vingt ans, c’est beaucoup et en même temps assez peu. En fin de compte, quand on prend toutes les avant-gardes majeures du XXème siècle, toutes ont mis près de deux décennies à véritablement être reconnues par les instances légitimantes et à pénétrer les arcanes de la culture populaire.
Qu’il s’agisse du skateboard, du surf, des musiques électroniques ou encore du mouvement punk pour n’en citer que quelques unes, toutes les cultures alternatives ayant émaillé les quatre dernières décennies dans le monde occidental bénéficient aujourd’hui d’un élan de patrimonialisation et de légitimation que je cherche à documenter en tant que sociologue.
Ce temps de latence peut paraître étonnant de nos jours, à l’époque d’Internet, où tout semble se produire du jour au lendemain, mais il faut se rappeler que dans les années 1990 il a fallu les efforts conjugués d’un grand nombre de personnes pour que ce courant longtemps considéré comme marginal, cantonné aux segments underground puisse acquérir l’exposition grand public dont il dispose de nos jours.
Ce passage de l’underground au mainstream est le fruit d’une suite de transgressions et de prouesses successives que j’ai cherché à documenter dans le livre. Et Pedro Winter, de par sa collaboration avec Daft Punk puis à travers le label Ed Banger, a joué un rôle moteur en ce sens.
A part Pedro Winter, quel est pour toi le personnage central de la musique électronique française ?
D’instinct, j’ai plutôt tendance à refuser de désigner des figures tutélaires et à considérer certains personnages comme centraux, ce qui induirait que d’autres le sont moins.
En tant que sociologue, je me prémunis de cette tentation relevant davantage du monde du journalisme qui tend à mythologiser et à raconter des histoires en désignant des héros. Je ne suis pas là pour classer, hiérarchiser et distinguer, mais plutôt pour observer les dynamiques sociales à l’oeuvre.
Bien sûr, certains acteurs de la scène électronique française se sont imposés au cours de la période récente comme des ambassadeurs de ce courant musical auprès de l’opinion publique et des médias. Ce sont eux que les journalistes sollicitent pour donner un visage à ce mouvement musical qui par essence n’en a pas. Ce sont également eux avec lesquels interagissent les pouvoirs publics lorsqu’il s’agit d’organiser des évènements mettant en valeur cette culture – comme lorsque l’Elysée a souhaité inviter des DJ à se produire dans son enceinte pour la Fête de la musique en 2018 puis en 2021 et a confié à Pedro Winter puis à Jean-Michel Jarre le soin d’organiser ces évènements uniques en leur genre.
A force, quelques acteurs se sont imposés en France comme des figures de proue du mouvement. Parmi eux, Laurent Garnier qui a toujours utilisé les médias grand public comme une plateforme pour défendre de manière militante ce courant, mais aussi Pedro Winter qui, de par ses aptitudes de communicant et son rôle de porte-parole acquis depuis son expérience auprès des Daft Punk, est devenu une sorte d’ambassadeur des musiques électroniques, un rôle qui s’est renforcé au cours de la période récente, ou encore Jean Michel Jarre qui est connu et apprécié du très grand public depuis plus de trente ans maintenant.
Néanmoins, à mes yeux, cela ne veut pas dire que ces acteurs soient plus centraux que les autres.
Au contraire, certaines personnages de l’ombre, notamment issus des majors, à commencer par Emmanuel De Buretel, puissant patron de Virgin France durant la French Touch, aujourd’hui à la tête de Because Music, qu’il fonde en 2004, a joué un rôle majeur dans l’essor de ce courant sans que son rôle ne soit forcément reconnu à sa juste mesure.
C’était tout l’objet de ce livre de nuancer le propos et de sortir d’une histoire des vainqueurs afin de donner la parole à des acteurs plus discrets à l’influence souterraine mais tout aussi importante.
Le sampling est, comme dans le hiphop, régulièrement utilisé dans la musique électronique : quel est ton avis sur le sujet ?
L’usage du sampler a été une révolution esthétique et technique majeure pour les artistes de la scène électronique françaises.
En sociologie, il est acquis que les bouleversements technologiques dans les moyens de production et de diffusion de la musique ont une incidence décisive sur la création artistique et l’émergence de nouvelles sonorités.
Pour la cohorte d’artistes ayant émergé au début des années 1990, amatrice de hip-hop et dont font partie Etienne de Crécy, Philippe Zdar et Hubert Blanc-Francard de Cassius, DJ Cam ou encore Demon, ce nouvel outil qu’est le sampler va révéler des potentialités créatives inédites et contribuer à forger une nouvelle esthétique, qui va grandement contribué à l’émergence d’un son que l’on qualifiera plus tard de « French Touch » (une esthétique musicale qui ne se limite cependant pas à l’usage du sampler).
Lorsque la génération suivante, cataloguée « French Touch 2.0. » par les journalistes, se lance dans la création artistique, leurs débuts en tant que musiciens coïncident avec la démocratisation de l’ordinateur, qui va figurer une nouvelle révolution esthétique que d’aucuns compare à la « nouvelle guitare électrique ».
L’arrivée de l’ordinateur provoque dans la production musicale une révolution, y compris concernant les techniques de sampling. Il faut se rappeler que la capacité de stockage des samplers était limitée à quelques secondes de mémoire vive. En miroir, la capacité de stockage des ordinateurs ne connaît pas de limite. Cela change profondément le rapport des musiciens à cet outil. Les Justice sont emblématiques de ce changement de paradigme. Eux vont abondamment utiliser les machines en découpant de la matière sonore et en assemblant des microsamples qui, à force, forme une sorte de magma sonore « à l’origine d’un son saturé, dense, un peu crade, et qui donne à leur musique ce qu’Erol Alkan décrit comme le son d’un engin en surchauffe » comme je l’écris dans le livre.
Evidemment il y aurait plein de choses à dire encore sur le sampling. Je pourrais même écrire une thèse entière sur le sujet tant cette thématique est passionnante et je préfère en garder un peu pour le prochain livre sur lequel je travaille actuellement… 🙂
Un original samplé que tu nous recommandes ?
Etant une immense fan de Cassius et de leur morceau Feeling for you, je pense immédiatement au All This Love that I’m Givin’ de Gwen McCrae.
T’écoutes quoi en ce moment ? 🙂
Pour les besoins de l’écriture de ce livre, j’ai beaucoup écouté et ré-écouté les morceaux du répertoire d’Ed Banger.
Ayant grandi avec Justice, Uffie, Mr Oizo, Sebastian et Breakbot, les artistes du catalogue Ed Banger ont jalonné mon adolescence et fortement contribué à la formation de mes goûts musicaux.
Mais j’aime aussi écouter d’autres genres, notamment le jazz expérimental de Pharoah Sanders, Sun Ra et ses Doors of the Cosmos. Dernièrement j’aime beaucoup le travail du musicien français Paul Prier, et son Hard to be myself when I’m with U.